Pour mieux prévenir l’entrée de jeunes fragilisés dans les réseaux de narcotrafic, la ville de Brest se lance dans un projet déjà testé ailleurs en France et qui a démontré sa pertinence.

Lauréate de l’appel à projet national Limits, la ville de Brest s’apprête, avec ses partenaires locaux, à mettre en œuvre un programme visant à limiter l’implication des plus jeunes dans les trafics de stupéfiants. Le projet, mis en œuvre avec la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la Mildeca), va courir de 2025 à 2028.
Constat partagé
Déjà mis en œuvre dans trente autres villes en France, le dispositif part d’un constat simple : de plus en plus de mineurs, souvent issus de quartiers défavorisés, se retrouvent impliqués dans ces trafics. En 2024, près de 10 000 d’entre eux ont ainsi été impliqués dans des dossiers de ce type.
Présenté jeudi 11 septembre, à l’occasion du Conseil métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance (CMSPD), le projet va se concentrer sur deux quartiers : Kerangoff et Kergoat. « Il est hors de question de nier la réalité des consommations et du trafic à Brest. Mais aujourd’hui, comparée à d’autres villes de même taille, Brest n’a pas basculé dans une situation absolument ingérable, avec une économie parallèle constituée », rappelle Jean-Phlippe Setbon, sous-préfet de Brest. Et de rappeler l’action constante et répétée des services de police et de justice pour lutter contre les trafics.
Prévenir et guérir
Pour autant, le projet Limits entend compléter cette action : « Il faut arrêter d’opposer prévention et répression, soins et respect de la loi. Tout cela est nécessaire : les citoyens souhaitent tout à la fois qu’on lutte contre les trafics et qu’on prenne soin de leurs jeunes », souligne Nicolas Prisse, directeur de le MILDECA.
C’est donc bien ce vers quoi le projet Limits entend mener. Dans les prochaines semaines un coordinateur sera nommé, pour mettre en œuvre une quarantaine de mesures dans les deux quartiers. Objectifs : repérer les jeunes les plus à risques, casser les mythes de l’argent facile et redonner à ces adolescents la possibilité d’entrevoir un autre avenir, loin de la fureur des gangs et de leurs trafics.
Quartiers tests
Pour ce faire, c’est une culture partenariale qui devra se mettre en place, impliquant tout autant l’Education nationale que les acteurs associatifs de Kerangoff et Kergoat. « Ces deux quartiers ont été choisis pour cette expérimentation, parce qu’ils présentent un taux de pauvreté important, ce qui est un critère majeur de l’entrée dans les trafics. Mais ils sont aussi dotés d’un tissu associatif dense, sur lequel on pourra s’appuyer », précise Jean-Phlippe Setbon.
« Brest offre encore cette dimension humaine, où la cause n’est pas perdue et où on peut encore appliquer un No pasaran* aux narcotrafiquants. Et en la matière, nos actions à tous sont interdépendantes : seul on va plus vite mais ensemble on est plus forts et on va beaucoup plus loin », juge Stéphane Kellenberger, procureur de Brest.
D’ores et déjà, le travail se met en place sur les deux quartiers. Si les résultats sont au bout du chemin, la méthode pourra être appliquée à d’autres quartiers de la ville, comme cela a déjà été le cas dans d’autres villes.
Une coopération.... et de l'agilité
« Les consommations illicites sont en hausse partout, pas qu’à Brest. Ici, nous allons travailler ensemble, en liant prévention et répression. Il y a des solutions, qui sont complexes à mettre en œuvre, mais qui nécessitent cette coopération que nous essayons de mener à Brest », résume François Cuillandre, maire de la ville.
Le projet Limits porte aussi en lui l’un des arguments les plus efficaces contre les trafiquants : l’argent. Car le budget de 233 000 euros consacré à cette opération via l’appel à projet est issu… des saisies opérées chez les narcotrafiquants. « Ils sont agiles… nous aussi ! », prévient le procureur de Brest.
* Ils ne passeront pas, en espagnol