Brest dans l'oreillette, le podcast des patrimoines d'ici
Bienvenue dans notre série de podcasts "Brest dans l'oreillette" ! Nous vous invitons à explorer
les trésors des patrimoines de la ville de manière ludique. A travers des témoignages, vous (re)découvrirez les pépites de notre bien commun. Anecdotes, faits historiques, souvenirs... Brest dans l'oreillette nous donne à voir la ville sous un autre angle. Bonne écoute !

Labélisée Ville d'art et d'histoire
Labélisée Ville d'art et d'histoire, la ville de Brest est riche de patrimoines matériels et immatériels. Elle les valorise tout au long de l'année à travers de nombreuses animations : visites, balades, brochures, expositions, journées du patrimoine... La série de podcasts vient compléter ces propositions de manière vivante, sensible et inédite !
Des podcasts pour regarder différemment
Les podcasts Brest dans l'oreillette mettent en lumière des éléments emblématiques de la ville - bâtiments, lieux, légendes urbaines - en les faisant vivre à travers la parole de celles et ceux qui les connaissent le mieux. Le tout avec un petit pas de côté pour surprendre et montrer ce qui rend Brest si attachante.
À travers des rencontres passionnantes avec des experts du patrimoine, des personnalités culturelles, des associations dynamiques et des entrepreneurs visionnaires, nous vous proposons de découvrir Brest sous un autre angle. Laissez-vous surprendre, émouvoir et inspirer par celles et ceux qui écrivent l'histoire de notre ville.
Découvrez Brest comme vous ne l'avez jamais entendue et n'hésitez pas à partager !
Transcriptions textuelles
Orateur #0
Brest, Brest,
Orateur #1
Brest,
Orateur #2
Brest dans l'oreillette.
Orateur #1
Brest dans l'oreillette, le podcast qui révèle les dessous de l'art et des patrimoines de Brest. Brest, ce n'est pas vraiment une ville qui cherche à ressembler aux autres. La raconter, c'est dire sa singularité, son architecture, son port, ses vues mères, ses lumières, ses métamorphoses aussi, son esprit, toujours libre, et ses habitants et habitantes, bien sûr. Brest dans l'oreillette, ce sera tout cela à la fois. Dans ce nouveau podcast que lance la ville de Brest, vous entendrez des anecdotes méconnues,
Orateur #0
A partir de la deuxième moitié du 19e siècle, il y a une réglementation qui a rendu obligatoire au personnel carcéral de loger dans la prison.
Orateur #1
Des souvenirs étonnants.
Orateur #3
Il y a quelque chose qui ne loupe jamais, c'est quand on décharge le matériel et qu'ils arrivent et que tout est installé, ils sortent le portable, ils prennent une photo, une vidéo, et ils sont « waouh, mais c'est quoi ce délire ? » .
Orateur #1
Nous vous emmènerons dans des lieux encore secrets.
Orateur #4
On va aller voir juste au-dessus, en faisant bien attention.
Orateur #1
Et des endroits incontournables.
Orateur #5
C'est un bâtiment absolument emblématique de la reconstruction et un bâtiment très fort dans cette ville, en fait, qui mériterait sans doute plus d'amour de la part des Brestois et des Brestoises.
Orateur #1
Nous inviterons des passionnés et même des invités surprises. Tous les 15 jours, nous vous proposerons de vous révéler les dessous de l'art et des patrimoines de Brest. Nous parlerons du passé, mais aussi de l'avenir, car Brest est une ville qui n'a pas fini de se réinventer. Alors, vous êtes prêts ? Rendez-vous le 2 avril pour le premier épisode de Brest dans l'oreillette.
Claire Tracou
Les visiteurs qui pénètrent dans le lieu aujourd'hui sont très intrigués, c'est un lieu plein de mystères. Et donc il y a une très grande envie de découvrir cet espace qu'on voit depuis toute la ville, mais que très peu de personnes ont eu l'occasion de voir de l'intérieur.
Marion Watras
Brest dans l'oreillette. Le podcast qui révèle les dessous de l'art et des patrimoines de Brest.
Franck Jaclin
Moi j'ai été d'abord ému par l'esthétique du bâtiment. La première fois que je l'ai vu, c'était de l'extérieur. Et j'ai posé la question, c'est quoi ce grand bâtiment vide qui paraît complètement en ruine et qui est si magnifique ? Et on m'avait expliqué que c'était la prison de Pontaniou.
Marion Watras
Pontaniou, un nom que les Brestoises et les Brestois connaissent. Celui d'un quartier d'abord, à Recouvrance, sur la rive droite de la Penfeld, tout près de la rue de Saint-Malo et des ateliers des Capucins. Mais Pontaniou, c'est surtout le nom d'une ancienne prison. Construite en 1811, elle a d'abord été prison maritime. Tous ceux qui avaient commis un crime ou un délit sur le périmètre de l'arsenal, qu'ils soient militaires ou non. Elle deviendra prison civile après la Seconde guerre mondiale, avant de fermer définitivement ses portes en 1990. Un lieu chargé d'un lourd passé donc, qui s'apprête à ouvrir une nouvelle page de son histoire. C'est là, derrière ces portes longtemps fermées et bientôt ouvertes à tous, que nous vous emmenons pour ce premier épisode de Brest dans l'oreillette.
Claire Tracou
Les choses qui marquent, c'est déjà le grand mur d'enceinte qui entoure la parcelle de la prison de Pontaniou, qui est dans la continuité du bâtiment au lion.
Marion Watras
Claire Tracou, du service musée patrimoine de la ville de Brest.
Claire Tracou
Et puis quand on rentre, cette prison, c'est vraiment un bâtiment monumental qui s'étend sur cinq niveaux. Et qui a gardé des éléments architecturaux de sa fondation, donc début 19e siècle. C'est une période où on souhaitait adapter l'architecture des bâtiments à leur fonction. Une prison, il fallait donc qu'elle en impose, qu'elle ressemble à une prison et qu'on y sente vraiment le poids de la justice. Comment le faire apparaître ? Avec ces très grands verrous disproportionnés, des portes en bois épais qui font... Ce bruit aussi, très marquant. Là, on a tout de suite vraiment cette impression d'enfermement qui marque le visiteur et surtout les détenus, bien sûr, qui intégraient cette prison. La prison de Pontaniou, elle a été prison politique au moment de l'occupation. Les Allemands y ont enfermé des résistants. Donc c'est vraiment un espace mémoriel très fort de la prison qui sera portée de tous sur le site.
Marion Watras
Nous montons au premier étage et faisons une pause à mi-chemin pour admirer la vue à travers les grilles.
Claire Tracou
De la prison, on voit vraiment tout le secteur de Pontaniou et cette vue sur la Penfeld et toute l'activité qu'il y a autour liée au port militaire. Toutes les cellules qui sont orientées de ce côté-là, rue de Pontaniou. Et effectivement, on voit cette vue sur le port. C'est bien qu'un prisonnier nous racontait qu'il a été un moment changé de cellule et placé de l'autre côté. Et ça a été pour lui une forme de torture psychologique de ne plus avoir accès à cette vision. Donc effectivement, ça offre un sacré panorama qui pouvait être précieux. On a ici une pièce dite administrative. C'était un des logements du personnel carcéral. A partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, il y a une réglementation qui a rendu obligatoire au personnel carcéral de loger dans la prison. On s'est rencontré une habitante, par exemple, qui me disait qu'elle venait régulièrement à la prison pour prendre visite à une de ses amies qui était au troisième étage et qui logeait ici avec son mari qui, lui, était gardien de la prison. La prison de Pontaniou, dans son aménagement du début du XIXe siècle, a très mal vieilli. Elle a été très vite rétrograde. Ici, le chauffage est arrivé en 1973. La prison a fermé à peine 17 ans plus tard.
Marion Watras
1990. La prison de Pontaniou voit ses derniers détenus partir. Mais l'imposant bâtiment n'a pas dit son dernier mot. Un nouvel avenir s'offre désormais à lui.
Franck Jaclin
Je vais voir juste au-dessus en faisant bien attention. On va dire qu'on a été enceint. À chaque niveau, on va faire un élément mémoriel en fait, pour expliquer.
Marion Watras
Franck Jaclin, lauréat de l'appel à projet pour la reconversion de Pontaniou.
Franck Jaclin
On sait que l'histoire est douloureuse de ce lieu, mais il faut aussi l'inscrire dans le XXIe siècle. Donc l'idée, c'est de faire un lieu qui puisse être un lieu collectif, un lieu de vie. Donc à chaque niveau, l'idée, c'est qu'il y ait des activités différentes. Au rez-de-chaussée, il est prévu qu'il y ait une crèche, qu'il y ait un atelier de vélo qui fonctionnera en insertion, qu'il y ait un espace d'exposition d'art moderne avec passerelle, une guinguette, et puis l'étage où nous sommes, c'est destiné à être un étage d'animation. C'est là où il va y avoir des escape games, des enquêtes policières, des murder parties. L'étage au-dessus, l'idée c'est de créer un gîte d'étapes, et l'étage au-dessus, c'est destiné à être un bar avec une grande loggia, c'est-à-dire la possibilité qu'on ait tout le panorama ouvert, mais à couvert. Et puis l'étage au-dessus, c'est plutôt un restaurant panoramique. Et moi, ce que je souhaite, c'est que le bâtiment soit ouvert à tout le monde. Si on veut se promener, découvrir le lieu, voir la vue, profiter de la loggia panoramique, on pourra le faire. L'idée, c'est que dès le départ, les Brestois qui le souhaitent puissent voir le site et qu'on puisse partager le projet.
Marion Watras
C'était Brest dans l'oreillette, un podcast de la ville de Brest. Réalisation, Marion Watras.
Marion Watras
Brest dans l'oreillette, le podcast qui révèle les dessous de l'art et des patrimoines de Brest. Êtes-vous prêt pour une petite séance de natation ? Aujourd'hui, on enfile le maillot et on plonge dans les secrets de la piscine Foch.
Maël Kerguillec
La piscine est souvent décriée. On dit oui, c'est un bloc de béton, c'est dépréciatif. Mais par contre, si on... On regarde le bâtiment avec un peu les yeux de l'amour. Comme on regarderait Brest d'ailleurs, on s'aperçoit qu'il est à la fois très bien dessiné, intelligemment conçu et qui dévoile un charme certain à qui veut le voir. On n'est pas dans la première reconstruction brestoise où on paraît au plus pressé. Là c'est un bâtiment qui a été construit entre 1963 et 1966, où on s'est donné les moyens. On a pris le temps de bien faire.
Marion Watras
Ce bâtiment sur lequel on ne pose pas toujours le regard qu'il mérite est remarquable à plus d'un titre. Il est l'œuvre d'un acteur majeur de la reconstruction de Brest, Albert Cortellari. Outre la piscine Foch, la ville doit à cet architecte d'origine italienne de nombreux immeubles d'habitation ou encore la médiathèque Europe à Pontanezen.
Maël Kerguillec
Tout est dessiné. Cortellari était connu pour la finesse de son trait de plume. On a une qualité, un soin du détail. C'est un bâtiment qui est connu dans les écoles d'architecture.
Marion Watras
Maël Kerguillec, technicien des bâtiments de France.
Maël Kerguillec
Moi, je suis un usager des piscines, qui sont quand même, quelques fois, pour les piscines modernes, ou celles d'après le plan des piscines, des bâtiments qu'on pourrait qualifier presque de jetables. Pas forcément avec une grande recherche architecturale. Ici, on a vraiment allié l'usage, le programme, deux bassins, mille baigneurs, temps de cabine, etc. avec une volonté de faire œuvre. On est sur un bâtiment d'ampleur qui ne peut pas laisser indifférent.
Marion Watras
L'une des originalités de la piscine Foch, sa forme, qui rend hommage à la ville de Brest et à son arsenal.
Maël Kerguillec
C'est un bâtiment en béton, il en impose, il y a un petit côté brutal. C'est un bâtiment qui, quand on le regarde, notamment avec ses membrures extérieures, puisque sa charpente est apparente, on a des poteaux en V qui supportent tout le volume pour dégager l'espace central et mettre les bassins. C'est un bâtiment qui est conçu comme un bateau en forme de radoub. Et les poteaux étant les supports, les teints du bâtiment qui est à la carène. Ça permet de dégager l'espace central. On est sur un espace de halles. On a besoin de deux bassins, c'était le programme. Un grand, un petit, 25 mètres, 10 mètres. Donc il fallait qu'on ait l'espace central sans poteau, etc.
Marion Watras
La prochaine fois que vous irez faire quelques brasses à la piscine Foch, prenez donc le temps de vous arrêter pour regarder les hublots qui ponctuent les parois immergées du grand bassin. Rassurez-vous, ils ne donnent pas sur l'extérieur mais sur les coursives techniques car ici et c'est une spécificité, les bassins sont suspendus, ce qui a pour vertu de faciliter l'entretien.
Maël Kerguillec
Quand on circule dans les coursives intérieures, dans le cœur du bâtiment, on passe sous les bassins et tous les tuyaux sont accessibles. On est sur vraiment une double face. Il y a tout un monde qu'on ne devine pas. Il y a l'usage du baigneur, du brestois, et il y a également l'œil qu'on peut voir quand on visite la coque interne du bâtiment. On a un bâtiment qui est vraiment double poste.
Marion Watras
Un bâtiment remarquable, événement remarquable. Si la grande majorité des Brestois vient à la piscine Foch pour nager, trois soirs par an, les amateurs de musiques actuelles, eux, font la fête au fond des bassins vides. Depuis 2018, en effet, en février, durant la vidange annuelle obligatoire, le festival Le Grand Bain transforme les lieux en salles de concerts éphémères. Une idée plus qu'originale qui a germé dans la tête d'Emmanuel Richard, président de l'association Acoustic Attaque.
Emmanuel Richard
Les gens se sentent privilégiés d'être dans un lieu comme ça. Ils sont aussi très respectueux. On n'a pas de gens qui en profitent pour faire n'importe quoi. Je pense qu'ils sont un peu impressionnés aussi d'être dans ce gros monument brestois et donc il y a une atmosphère qui est vraiment bonne enfant.
Marion Watras
Et les musiciens aussi, ça doit être pour eux une expérience unique ?
Emmanuel Richard
Ah bah ouais, ça c'est sûr. Moi je m'occupe de la programmation et au moment... de discuter avec les musiciens ou leurs producteurs ou leurs tourneurs quand je leur envoie les photos et les vidéos de ce qu'on a fait l'année précédente c'est quand même un gros plus pour pouvoir faire venir les artistes ici et quand ils sont là il y a quelque chose qui ne loupe jamais c'est quand on décharge le matériel et qu'ils arrivent et que tout est installé ils sortent le portable ils prennent une photo une vidéo et ils sont wow mais c'est quoi ce délire quoi et puis ce qui fait vraiment aussi la force visuelle du rendez-vous c'est la mise en lumière de l'équipement c'est justement cette ambiance très tamisée avec des projos partout, avec une boule à facettes qui est accrochée sous le plongeoir. Donc oui, les gens viennent pour ça aussi, ils viennent pour cet effet waouh.
Marion Watras
C'était Brest dans l'oreillette, un podcast de la ville de Brest. Réalisation Marion Watras.
Marion Watras
Brest dans l'oreillette, le podcast qui révèle les dessous de l'art et des patrimoines de Brest.
Jacques Quilien
J'ai toujours l'émotion quand je viens ici. Et ça s'explique puisque j'ai commencé ma carrière quand j'avais 14 ans en rentrant aux Arpètes.
Gérard Cabon
Ma grand-mère au marché des quatre moulins, elle disait mon petit-fils, est rentré à l'Arsenal, c'était le jour de gloire. Voilà, celui-là est casé.
Jacques Quilien
Il y avait vraiment un aspect solidaire à l'Arsenal, c'était incroyable.
Marion Watras
Imaginez trois grandes nefs de 150 mètres de long accrochées sur le bord d'un plateau qui fut jadis un haut lieu de la construction navale, fréquenté par plus de 1000 ouvriers. Nous sommes aux ateliers des Capucins. Transformé depuis 2016 en un espace public unique, le site demeure chargé de l'histoire industrielle de la ville et de la mémoire ouvrière de celles et ceux qui y ont travaillé.
Gérard Cabon
Gérard Cabon, ancien de l'Arsenal. Puisqu'on est aux Capucins, je peux dire que je suis arrivé ici à 18 ans, en 1966. Et que j'y ai passé 15 ans, en tant que tourneur, puis après technicien. C'est un atelier qui a été créé en 1840, quand l'Arsenal passait de marine à bois à marine métal. Et en même temps, on invente l'hélice, on invente la propulsion en vapeur, donc on fait des machines, il faut des chaufferies sur les bateaux, donc il faut faire beaucoup de tuyaux, il faut beaucoup de tises mécaniques. On avait besoin d'espace, il n'y en avait pas sur les quais de l'Arsenal, et puis ils ont trouvé ce lieu où il y avait un monastère, d'où le nom Capucin, puis une école de canonnerie, avec la forge qui n'est pas montée aux Capucins, qui est restée sur le bord du quai au fond, parce qu'on a travaillé avec beaucoup de chocs, que c'est creux sous les capucins. On serait passé à travers donc la forge est restée en bas. Au niveau ambiance, on rentre par la porte principale, on arrive à la fonderie, puis de l'autre côté, on appelait ça un peu les catacombes, nous c'était la série des fours, donc une ambiance avec des murs noirs, la fumée, c'était magique, moi j'adorais quand il y avait des coulées à la fonderie, aller voir le spectacle, parce que c'était un spectacle. Donc ça c'est la première épreuve. Après on rentrait à la machine ici aussi, il y avait 220 machines-outils. Contrairement à l'idée des gens, il n'y a pas de choc donc ça tape pas, on n'est pas dans une tôlerie ni dans une chaudronnerie, on a un bruit de fond lancinant de machines qui tournent, donc une odeur d'huile de coupe, parce que pour que le métal refroidisse on met de l'huile sur le métal qui chauffe, donc c'est toujours l'odeur un peu, quand ça passe ici, l'huile de coupe, et puis on franchit le mur et puis on arrive à la chaudronnerie, là par contre on entend du bruit. C'est glacial en hiver. Et puis le travail, en plus, est très statique. On est devant une machine-outil, on est dans un mètre carré, on ne bouge pas. Et en été, c'est un four.
Marion Watras
Un peu plus haut, sur le plateau, à quelques pas des ateliers, l'école des Arpètes formait les apprentis de l'arsenal. Comme Gérard Cabon, Jacques Quilien est entré par cette voie prestigieuse avant de devenir charpentier taulier.
Jacques Quilien
Ça formait l'aristocratie ouvrière, on va dire. Je plaisante, mais disons que dans ma classe, à l'école Saint-Sauveur, à Recouvrance, pratiquement tous les élèves de la classe préparaient l'entrée du concours à l'Arsenal. C'était un concours. Et donc tous les ans, il y avait une centaine de sélectionnés pour entrer aux arpètes. C'est comme ça qu'on l'appelait. Une école d'apprentissage de très bonne gamme qui formait au bout de trois ans. Il y avait une sélection qui était faite, les meilleurs allaient à l'école d'ingénieurs et les autres allaient sur le tas. Et quand ils allaient sur le tas, ils étaient considérés déjà comme des bons ouvriers qui allaient faire une bonne carrière de professionnels.
Marion Watras
Outre les Arpètes, Gérard Cabon et Jacques Killian ont en commun d'avoir été délégués syndicaux. Ils ont mené ensemble... de nombreuses luttes, des combats, qui sont nés autour du marbre, l'une des six pièces conservées et toujours visibles au Capucin.
Gérard Cabon
Le marbre était d'abord capital au niveau industriel, parce que pratiquement tous les gros usinages passaient sur le marbre avant d'aller sur les machines, donc c'était important. Et puis il avait une deuxième fonction qui était aussi celle de podium, on dirait, pour les prises de parole syndicales. Lors des manifs et grèves, c'était le lieu, le rassemblement, on remarque, dès qu'il y avait des conflits sociaux, et Dieu sait s'il y en a eu. De 1966, mon arrivée ici, jusqu'en 1990, où j'étais permanent syndical, j'ai fini. Je n'avais jamais connu une année sans grève. Jamais.
Marion Watras
Les syndicats ont obtenu, petit à petit, que les conditions de travail s'améliorent. L'arrivée des femmes aux ateliers a également marqué une étape importante.
Gérard Cabon
En 1979, les premières filles arrivent. Et on se pose la question, il n'y a pas de sanitaire dans les ateliers. Je parle souvent de ça, de la fameuse pagode qui est accrochée à la falaise, avec quand même, jusqu'aux années 80, des sanitaires avec une demi-porte sans verrou pour les ouvriers et une porte entière pour les chefs. Et l'arrivée des femmes va faire quand même qu'on va se pencher sur la question et puis commencer à améliorer globalement le sanitaire et l'hygiène de tout ce beau monde. Ici, je me rappelle moi, pas de m'engueuler, mais... Les mecs, les gonzesses, n'y arriveront jamais. Je me rappelle que l'argument que j'avais, c'était la Défense nationale en France, pendant la guerre de 14-18, avait employé 600 000 femmes qui travaillaient dans des conditions, à l'époque c'était une soixantaine d'heures par semaine, dans des conditions qui étaient bien plus difficiles que les années 79.
Marion Watras
Durant des décennies, au 19e puis au 20e siècle, de nombreux navires, parmi les plus prestigieux, ont été construits et équipés aux ateliers des Capucins. Cuirassé Richelieu, porte-avions Charles-de-Gaulle, porte-hélicoptères Jeanne-d'Arc, une fierté pour les ouvriers et les ouvrières. À cette époque, l'arsenal de Brest formait un petit monde à lui seul.
Jacques Quilien
On avait notre service de restauration, 4000 repas par jour qui étaient servis dans ce qu'on appelait les Gueules d'or. Et puis on avait notre service de médecine. Quand même, à l'arsenal, c'était une ville dans la ville.
Marion Watras
À chaque univers son jargon. Le parler de l'Arsenal, particulièrement riche, colore aujourd'hui encore les conversations des anciens. Il a même inspiré à Gérard Cabon un livre.
Gérard Cabon
Moi j'ai écrit l'ABCdaire du Parler de l'Arsenal de Brest, parce que c'est vrai, c'était vraiment un langage imagé. Quand j'ai rencontré ma femme, un jour je lui ai dit « je ne pourrais pas, je suis passé à l'ambulance, je suis en exemption ». Et là, elle reste me regarder, et puis ma femme est de Quimper. L'ambulance, c'est la médecine du travail, en exemption, c'est un arrêt de travail. Mais en Brestois, exempté de service, mais exemption. Donc il y a plein de expressions. L'ingénieur arrive à bord d'un bateau, il regarde les mecs qui bossent, il demande alors les gars, ça avance le boulot ? Mieux que le plan. C'est vraiment la revanche de l'exécutant sur le concepteur. Et c'est lapidaire.
Marion Watras
C'était Brest dans l'oreillette. Un podcast de la ville de Brest réalisé par Marion Watras. Dans le prochain épisode nous restons aux Capucins pour évoquer le nouveau chapitre qui s'est ouvert en 2016, la transformation des ateliers.