Economie : le patchwork brestois de la réussite
Territoire attractif, ouvert sur le monde tout en assumant ses spécificités, Brest métropole sait cultiver ses atouts pour renforcer l’économie de demain.
Avec plus de 2 300 créations d’entreprises recensées sur le territoire métropolitain chaque année depuis 2021, le baromètre de l’économie locale parle de lui-même. Attractive et dynamique, Brest métropole se fait le berceau de nombreuses entreprises, de toute taille, tirant ainsi l’emploi et l’activité vers le haut. Pour preuve, les chiffres historiquement bas du chômage, avec 6,2 % de demandeurs d’emploi fin 2024.
Faire de ses singularités une force
« Notre économie bénéficie d’un climat plutôt positif, tant en termes démographiques qu’économiques. Si l’on exclut la crise des subprimes de 2008, à laquelle le bassin n’a pas échappé, avec un réel coup de frein et une baisse des emplois, jusque 2014. Mais hormis cette parenthèse, la diversification du tissu a permis de ne pas connaître de séisme majeur » confirme Nadine Le Hir, à l’Adeupa, agence d’urbanisme du Pays de Brest.
Et cela, tous les acteurs de l’économie locale s’accordent à le reconnaître : le patchwork des activités locales (lire ci-dessous) constitue l’un des piliers de la mécanique métropolitaine. Cette réalité, la métropole l’a bien comprise, via la stratégie de développement économique (SMDE) élaborée avec ses partenaires dès 2016, et révisée en 2022. « Nous souhaitons soutenir et renforcer nos secteurs socles, que sont la Défense, le maritime, le numérique, la santé, la banque assurance et l’agri-agro » rappelle ainsi Michel Gourtay, vice-président de Brest métropole en charge de l’économie. « Cette stratégie a su faire de nos singularités de vraies forces, qui consolident la dynamique », appuie Nadine Le Hir.
Poisson pilote de l'innovation maritime
À Brest, le maritime se porte plutôt bien, mais rien n’est jamais acquis. C’est pourquoi la construction d’une aire de petite et moyenne réparation navale est sur les rails. De quoi conforter ce secteur tout en ajoutant une corde à son arc. De plus, il s’agit aussi là de parier sur l’avenir, comme le prévoit la SMDE : « Il fallait s’équiper pour accueillir les unités de petite et moyenne taille, pour ouvrir un nouveau marché. Les métiers de la réparation navale étant pour partie les mêmes que ceux que recherchent le secteur de l’éolien en mer… Quand ce secteur s’installera sur le polder, la main-d’œuvre qualifiée sera au rendez-vous », illustre ainsi Eric Vandenbroucke, directeur du développement économique de Brest métropole.
Et ce n’est qu’un exemple des secteurs innovants que la métropole et ses partenaires soutiennent, au même titre que le spatial, la dronisation maritime ou la cybersécurité maritime, domaine où Brest fait figure de poisson pilote au niveau national.
Le pare-feu de l'emploi tertiaire
Mais si la métropole connaît ses atouts et les entretient, elle n’est pas à l’abri des crises. Le ralentissement généralisé de l’économie nationale provoque depuis quelques mois des signaux faibles sur le territoire, avec moins d’embauches que par le passé, notamment chez les plus jeunes.
Le nombre de liquidations et redressements judiciaires est aussi en hausse, comme au national. « On peut notamment l’expliquer par des petites entreprises qui peinent à rembourser les prêts garantis par l’État suite à la crise sanitaire du Covid », pointe Nadine Le Hir.
Pourtant, pas de quoi crier au loup. « Nous sommes sur un territoire avec un fort emploi tertiaire, comme la plupart des métropoles. Et encore une fois, la diversité de notre économie pourra permettre de faire face à d’éventuelles crises plus facilement qu’ailleurs », poursuit la représentante de l’Adeupa.
Le savoir-faire “à la brestoise”
Et puis, botte secrète de la métropole la plus à l’ouest du pays : son ADN participatif. « Nous sommes ici fondamentalement attachés à une façon de faire ensemble, dans la coopération avec les partenaires. Ici, tout le monde se met autour de la table dans un objectif commun : celui de développer l’économie du territoire. Cela fait partie de nos fondamentaux » souligne Michel Gourtay.
Un savoir-faire “à la brestoise”, qui attire les nouveaux entrepreneurs et fait office d’évidence pour les plus anciens : la recette de l’économie métropolitaine dispose de tous les ingrédients pour durer !
Nous disposons ici d’un panel d’activités et de services qui conditionnent l’avenir de la pointe bretonne. Et il est de notre devoir de continuer à assurer les conditions d’un bon développement de ce tissu diversifié. C’est une chance et une responsabilité, souligne Michel Gourtay, vice-président de Brest métropole en charge de l’économie
Témoignages de dirigeantes et de dirigeants d'entreprise
Il y a une vingtaine d’années, quand Metig Riou et Vincent Pasquiou achètent leur maison à Plougastel, leur cap est clair : « On retapait, on vendait et on partait ailleurs ». C’était sans compter sur leurs rêves, et leur capacité à les réaliser.
Metig a lancé la machine, en décidant de se reconvertir, à 32 ans, pour passer de la gestion financière… à la production de fraises. Un grand écart assumé, que la jeune maman d’alors regarde aujourd’hui en riant : « Il ne faut pas réfléchir, juste y aller… Et avoir un soutien familial sans failles, comme je l’ai eu ».
D’une première exploitation de 3 500 m², la néoproductrice passe en quelques années à une surface trois fois plus grande, pour produire aujourd’hui 90 à 100 tonnes de fraises par an… Mais pourquoi s’arrêter là ? « On connaissait un brasseur amateur qui rêvait de se lancer. Alors, on a construit une brasserie dans l’une de mes serres ». Brasserie qui sort aujourd’hui entre 500 et 600 hectolitres par an, pour alimenter en Morlenn les cafés de la région. Dont le leur… puisque Metig et Vincent ont racheté le café du port du Tinduff en 2020.
« On savait qu’après le confinement, les gens auraient besoin de se retrouver. Alors on s’est lancés ! ». Avec succès là encore, puisque cette institution locale y a trouvé une nouvelle jeunesse avec une ouverture 363 jours par an, « parce qu’on n’est pas là uniquement pour les touristes et la saison ! ». Et quand vient la question du pourquoi, Metig ouvre de grands yeux, soupire joyeusement, et confie : « Parce que, quand on vient bosser le matin avec le sourire, il n’y a rien de mieux. Notre truc à nous, c’est de partir de rien, et de créer quelque chose… Le reste… ».
Les anciens l’appellent encore SDMO, mais l’historique Société de diffusion des moteurs de l’ouest, fondée en 1966, a bien changé de nom. Devenue Rehlko au sortir de l’été, l’entreprise a pourtant toujours conservé et perfectionné les savoir-faire qui ont fait d’elle le troisième acteur mondial dans le domaine du groupe électrogène. « Notre rôle est assez simple, résume Lénaïk Andrieux, directeur général du groupe. Lorsqu’on rentre à l’hôpital, on tient particulièrement à ce que l’opération se passe bien ; lorsque son avion s’apprête à atterrir, on n’imagine pas que celui-ci ne puisse pas le faire à cause d’une panne électrique… Avec ses équipements de toutes tailles, Rehlko agit comme un assureur énergétique des actes les plus critiques du monde. »
Riche de ses 800 salariés et d’un impressionnant site de 42 000 m² installé à Guipavas, l’entreprise n’a jamais cessé d’évoluer, s’attaquant depuis récemment au marché des Datacenters.
Quelque dix millions d’euros ont été investis ces deux dernières années pour agrandir le site de production guipavasien, tandis que 14 autres millions sont déjà fléchés pour celles à venir.
Le tout en n’oubliant pas non plus de s’adapter aux enjeux environnementaux actuels, puisque Rehlko a fait le choix d’abandonner le diesel fossile pour les essais de ses groupes électrogènes au profit de l’huile végétale hydrotaitée.
C’est l’histoire d’une passion adolescente, à l’époque où il fabriquait lui-même ses planches à voile, et qu’un professeur du lycée Vauban n’aura fait que confirmer : « Un homme qui a su renforcer mon envie de travailler les matériaux composites », raconte Florian Madec, qui a créé l’entreprise Florian Madec Composites en 2002. « L’idée était de s’adresser à l’industrie en concevant des pièces en carbone époxy, qui pourraient notamment servir aux domaines de la Défense ou de l’océanographie puisqu’on était à Brest », sourit-il. Les besoins et les attentes existaient, avec des structures comme Thalès ou Ifremer évidemment.
Mais ce qui lance vraiment Florian Madec Composites, au départ, c’est la course au large, avec les premiers bateaux “volants” équipés de foils. Une activité désormais stoppée, pour se consacrer à la construction de pièces à forte valeur ajoutée qui équipent maintenant les très gros industriels comme Ariane space, l’Office national d’études et de recherches aérospatiale, le Commissariat à l’énergie atomique, ou encore des clients historiques locaux ainsi qu’une clientèle internationale. Le tout fabriqué à Brest donc, par une PME de 15 salariés qui propose à ses clients une traçabilité hors-norme de pièces produites en petites quantités. De vrais artisans du carbone qui, aux alentours de l’été prochain, verront leur site de production brestois passer de 900 à 2 000 m² !
En décembre dernier, les équipes de Défis emploi Pays de Brest ont remporté trois trophées des initiatives territoriales au niveau national. « Et pour moi, c’est l’un des moteurs. Parce qu’ici, quand il y en un qui gagne, c’est toute l’équipe qui a gagné », pose Hélène Le Bihan, directrice de Défis emploi.
Tout est dit, dans cette reconnaissance d’un travail de fourmi, au service des plus éloignés de l’emploi. Chaque année, les 35 salariés de Défis emploi accompagnent quelque 1 200 personnes éloignées voire très éloignées de l’emploi, pour un retour sur le chemin de l’autonomie. « Et ça a du sens. Parce qu’on accompagne aussi les très petites entreprises, parce qu’on aide les gens à monter en compétences, pour trouver un emploi. Toutes proportions gardées, je crois que nous apportons ainsi notre contribution à la dynamique économique locale ».
La tâche n’est jamais aisée, mais « on se remet en question, régulièrement, pour comprendre les besoins de ceux que nous accompagnons vers l’emploi, comme ceux des entreprises qui vont les accueillir. Ça ne peut fonctionner que comme ça ».
Et si les solutions bâties par Défis emploi essaiment désormais un peu partout en France, l’ADN local y est sans doute pour quelque chose : « Il n’y a peut-être pas des énervés comme nous partout », rigole-t-elle… Avant de préciser : « On ne reste pas dans notre couloir de nage, on a de l’énergie, de l’envie… Parce que quand on est ici à Brest, on sait que si on ne se bouge pas, personne ne le fera pour nous. Alors, malgré les différences, on fait bloc, c’est la solidarité à la brestoise… On se dit les choses, bonnes ou mauvaises, on transcende tout ça, et on y va ! ».
« Entrer en Bourse a été une manière de donner encore plus de crédibilité à mon entreprise et, surtout, d’en reprendre le contrôle, à un moment où de nombreuses personnes voulaient mettre la main dessus. »
Fondateur d’Imeon energy, Christophe Goasguen est de ceux qui semblent toujours avoir un coup d’avance. Le Brestois a ainsi fait le pari de l’énergie renouvelable dès 2013, en imaginant un onduleur dopé à une intelligence artificielle prédictive permettant à une maison équipée d’autoconsommer l’énergie produite et d’en stocker l’excédent. Résultat revendiqué : 70 % des besoins en électricité d’une habitation lambda couverts.
À ce jour, Imeon, seule entreprise française à produire ce type d’installation et probablement unique entreprise brestoise à être cotée en Bourse, est en concurrence avec Israël ou la Chine. Elle équipe 6 000 utilisateurs à travers le monde, principalement des particuliers, emploie 17 salariés et continue d’embaucher régulièrement. Elle cible désormais les industriels, qui pourraient trouver dans l’onduleur brestois une solution parfaite pour endiguer les bonds de leurs factures d’électricité.
Avec 12 restaurants et coffee shop sur le territoire, Izee, concept de restauration rapide mais qualitative, occupe une place à part dans le paysage du fooding local.
À sa tête depuis respectivement 2011 et 2012, Gildas Calvez et François Rocher ont fait du café contemporain du départ une solide référence… que beaucoup imaginent cuisinée par un grand groupe à l’envergure nationale. « C’est vrai que ce que l’on fait est maîtrisé, dans l’offre et la qualité, mais en restant artisanal. Puisque c’est notre fil conducteur », précise Gildas Calvez. « Et depuis toujours, nous tenons à la découverte. Nous avons été les premiers ici à proposer des poke bowls, des Bubble tea, des graines de chia ! Mais chez nous, tout est fait maison », abonde François Rocher.
Un détail qui a son importance, pour une entreprise de 75 salariés, qui a construit son succès sur son caractère unique : proposer de la restauration sur le pouce, à base de plats réalisés par une brigade maison de 15 personnes, 6 jours sur 7, au Relecq-Kerhuon. Le tout dans une logique durable, avec approvisionnements très largement locaux, « bios dès que possible » et recettes inspirées du monde entier.
Un petit empire de la restauration, qui régale aujourd’hui environ 1 200 convives par jour, et que les deux associés n’ambitionnent pas de voir grossir indéfiniment : « On a grandi vite, ce qui demande beaucoup d’énergie. Aujourd’hui, on a envie de se concentrer sur le plaisir et l’innovation… On réserve encore de belles surprises sur nos cartes de l’année à venir », sourit Gildas Calvez. Avant d’ajouter, l’œil malicieux : « On dit que quand on réussit à Brest, on peut réussir partout… ».
« On n’est pas dans la sensibilisation, on n’est pas dans la formation, on est dans l’entraînement d’équipes que l’on confronte à des situations de fort stress. » Avec son associée Marjorie Nicolas, Guillaume Prigent gère Diateam et sa quarantaine de salariés spécialisés dans la cybersécurité. Partenaire de nombreux opérateurs mondiaux d’importance vitale (télécom, énergie, Défense…), la très discrète entreprise a développé une solution innovante de “champ de tir numérique”, la rendant capable de reproduire les systèmes informatiques les plus complexes sur une plateforme logicielle et matérielle où sont simulées des attaques cyber.
Directement sur site, en ligne ou en présentiel dans les locaux de Diateam, les équipes de ces grands opérateurs sont alors mises en situation d’attaques de leurs réseaux par les hackers brestois. « On teste ainsi leurs capacités à réagir face à telles ou telles situations, en leur proposant des scénarios stressants, complète Guillaume Prigent, ancien ingénieur passé par un projet de recherche en sécurité pour le compte de la Direction générale de l’armement. Pour elles, nous sommes un ennemi imaginaire, comme un boxeur s’entraîne avec un sparring-partner. »
Connue pour cette expertise forte, Diateam réalise 60 % de son chiffre d’affaires avec les instances gouvernementales du monde entier.
Le pari n’avait rien de gagné sur le papier. Mais les chevilles ouvrières de la Réserve des matériaux ont patiemment tissé leur toile du réemploi. Aujourd’hui, cette recyclerie fonctionne « du tonnerre », et fait ainsi la preuve de la pertinence de sa philosophie.
Ouverte au public trois jours par semaine, cette boutique de matériaux de récupération, et donc à moindres prix, ne désemplit pas. « On collecte des matériaux sur les chantiers de déconstruction, on récupère des invendus chaque semaine dans les magasins de bricolage… Et les gens sont au rendez-vous, avec en moyenne 150 paniers par semaine », résume Fabien Perault, codirecteur de la Réserve.
En un peu plus d’un an, 190 tonnes de matériaux ont ainsi été récupérées par la réserve, dont 183 ont trouvé (re)preneurs !
Ouverte en mars 2023, du côté de Keraudren, cette recyclerie associative compte désormais huit salariés, « tous réemployés, puisque personne n’est du métier à la base ! ». Et le concept fonctionne tant et si bien que la réserve dispose désormais d’un second local dédié au surcyclage (conception de meubles à partir de matériaux de seconde main), à Saint-Pierre. « Aujourd’hui, avec 400 m², on doit encore refuser des dons de matériaux. On n’a pas la place pour un atelier de valorisation, et presque tout ce que nous recevons part directement en rayon. On cherche donc plus grand pour répondre aux besoins. Et une fois que l’on aura trouvé le lieu, on aura besoin de recruter à nouveau », annonce Fabien Perault.
Le temps a filé comme les pages d’un bon roman, et si Cathy Jolivet n’a pas vu les années passer, elle a su imprimer sa marque sur la librairie Dialogues. Une patte délicate mais ferme, subtil mélange de respect de la recette historique des fondateurs de la maison brestoise et d’un soupçon d’innovation permanente.
Entrée dans la maison par Les Enfants de Dialogues, en 2017, elle reprend la barre du vaisseau amiral en 2019. « C’était déjà un beau bébé ! Mais comme dans toute reprise, j’avais envie de donner une nouvelle dynamique », argue-t-elle. Ce sera, d’abord, Les Curiosités de Dialogues rive droite, au cœur des Ateliers des Capucins, puis la reprise de Ravy, à Quimper, avant celle de la Maison du stylo, l’ouverture d’un espace dédié aux mangas, et enfin celle de Dialogues beaux-arts, en lieu et place de l’entrée historique de Dialogues.
Aujourd’hui, avec 110 salariés à temps plein, l’heure est à « la consolidation. En 2026, Dialogues fêtera ses 50 ans, et je suis fière de faire partie de son histoire et de contribuer à son succès. Nous devons quelque chose aux Brestois qui nous sont si fidèles : continuer à faire vivre cette librairie indépendante, et comme tout commerce de centre-ville, savoir se réinventer ».
Un objectif qui sied à la patronne de Dialogues, toujours à l’affût de l’air du temps, et de ce qui pourra, toujours plus, continuer à faire de l’enseigne un lieu incontournable de rencontres et de découvertes.
En savoir plus
Pour découvrir la stratégie économique de Brest métropole, rendez-vous sur Brest.fr.